C'est ainsi
Je sais être de patience désormais. Le temps n'est plus ce qu'il était pourtant, il se fait un peu plus court mais tourne comme au ralenti. Il s'agit d'en faire bon usage maintenant. Je ne vis plus d'urgence, j'ai appris. Je sais que les dés en sont jeté depuis longtemps et qu'ils sont toujours pipés, toujours. Tant pis pour moi. J'écrirai donc pour presque personne, sous la lampe claire, face aux fenêtres éteintes. C'est que je n'ai pas compris grand-chose, je m'en rends compte. Le silence se répand à grandes eaux. J'entre en dernière solitude, je l'ai voulu ainsi, et je m'y tiens. Les autres, je les tiendrai au bout des doigts, dans la plus extrême vacuité. Mon lit n'accueille plus que mon lourd corps fatigué. Je m'en tiendrai aussi aux mots pauvres au bord du souffle ultime. C'est donc ainsi que cela s'achève ? Dans l'inanité profonde, dérisoire et grandiose. Ce n'est pas si mal, après tout, d'avoir résisté tout ce temps. Les rôles vont à la fosse et j'y consens. Je dresse autour de moi ce qui est peut-être mon dernier décor. Besoin d'un tapis ou deux. Il me faut encore quelque confort, quelque menue préciosité : mes livres autour et le fauteuil de la vieille dame où je m'endors parfois dès le dîner consommé. Il n'y a plus ni ennui ni rancœur, je vais à une sorte de stupidité sereine où plus personne ne saura m'arracher. C'est là : je ne sais plus mon âge, je ne sais plus que la vacuité lucide où je me tiens.